L’expression culturelle algérienne
Depuis l’indépendance, l’Algérie s’affirme comme un foyer dynamique de la création artistique. Après des années de souffrance où les premières cibles de la violence terroriste ont été les intellectuels et les artistes, l’expression culturelle qu’elle soit littéraire, poétique, musicale ou dans les arts plastiques connaît aujourd’hui un véritable renouveau de vitalité… elle reste indéniablement le miroir de l’âme algérienne et le plus sûr témoin de l’histoire.
L’Algérie s’affirme être un foyer actif de la création culturelle. Certaines œuvres littéraires ou cinématographiques connaissent un retentissement mondial.
Les dernières années marquées par une plus grande ouverture du champ politique et la libéralisation de l’expression verront un renouveau de la créativité littéraire malgré la violence terroriste qui s’est attaqué aux intellectuels et aux artistes.
La nouvelle génération d’écrivains se caractérise par la diversité des genres qu’elle prospecte que ce soit en poésie ou en littérature, passant avec aisance de la nouvelle au roman, du conte fantastique à l’aventure policière et par la pluralité des langues utilisées (Arabe, berbère, dialectal, français).
Cette nouvelle littérature, surgie de la réalité sanglante de l’Algérie s’affirme sur des registres différents de celle de leurs aînés dont la préoccupation majeure était l’affirmation de l’entité nationaliste algérienne et la description d’une réalité quotidienne qui allait à l’encontre des clichés habituels de l’exotisme : (Mouloud Feraoun, Mohamed Dib, Mouloud Mameri, Kateb Yacine et Assia Djebar). Une œuvre monumentale va néanmoins marquer profondément le paysage littéraire des années 50. Il s’agit du roman « Nedjma » de Kateb Yacine, paru en 1956 et qui s’inscrit dans une vision de réappropriation des repères historiques et sociologiques ancestraux…
De nouveaux auteurs apparaissent sur la scène littéraire au lendemain de l’indépendance. Ils apportent un regard nouveau à la littérature en abordant dans leurs œuvres les problèmes de la société tout en dénonçant avec véhémence les tabous religieux et sociaux (Tahar Ouettar, Rachid Boudjedra, Abdelhamid Benhadouga, Rachid Mimouni, Tahar Djaout, Yamina Mecharka, Leila Sebbar…).
Par la suite, au début des années 1980 et à la faveur de l’ouverture de l’édition à l’initiative privée, une floraison de romanciers, poètes et novelistes apparaissent et donnent un souffle nouveau à la littérature algérienne de langue arabe (Wassini Laâredj, Amin Zaoui, Djillali Khellas, Zineb Laâouedj, Rabia Djalti…).
Enfin , la décennie 90 marquée par la violence terroriste a vu surgir une littérature à l’expression bouleversante. Des voix multiples appartenant à des écrivains de l’ancienne et de la nouvelle génération se font entendre pour décrire les enjeux d’un quotidien fragile et menacé (Assia Djebbar, Rachid Boudjedra, Boualem Sansal, Arezki Mellal, Yasmina Khadra…).
Une jeune écrivaine, Ahlam Mostaghanemi, va dans les années 1990 révolutionner la littérature arabe moderne en publiant un roman d’un réalisme provocateur (mémoire de la chair) qui va défier les tabous profonds de la société traditionnelle dans le monde arabe.
L’écriture algérienne connaît, à l’heure actuelle, une mutation décisive à la faveur d’une floraison de jeunes talents soucieux de promouvoir une littérature algérienne mettant en scène une conception individualiste de l’aventure humaine (Habib Ayyoub, H’mida Ayyachi, Sofiane Hadjadj, Mustapha Benfodil…).
L’Algérie a toujours été une intarissable source d’inspiration pour les peintres qui venus du monde entier ont tenté d’immortaliser la « prodigieuse diversité des sites et des atmosphères ».
Des générations de peintres algériens ont tenté par la suite de donner naissance à une peinture spécifiquement algérienne qui exprimait un nouveau regard…
L’enluminure et la miniature ont pris un essor particulier grâce aux RACIM… Mohamed Racim a voulu, à travers ses miniatures, faire revivre le prestigieux passé de la civilisation islamique en même temps que contribuer à la sauvegarde des valeurs authentiques de l’Algérie. Dans cette lignée, Mohamed Temam et Mohamed Ranem ont également restitué à travers cet art, des scènes de l’histoire du pays, les us et coutumes d’autrefois, la vie du terroir…
Dans le sillage des orientalistes, des peintres algériens ont dépeint des portraits et paysages de la réalité algérienne à l’instar de Nasereddine Etienne Dinet et plus tard Hemche et Azouaou Mameri.
De nouveaux courants artistiques sont apparus délaissant la peinture figurative classique pour aller à la recherche de nouvelles voies, avec le souci de traduire et exprimer les nouvelles réalités du pays, son combat et ses aspirations. Nous avons M’Hamed Issiakhem et Bachir Yelles qui se sont imposés par un style et une ingénieuse technique picturale.
Des peintres comme Khedda et Benanteur seraient à l’origine d’un mouvement pictural pratiquant l’art abstrait en associant à leur univers pictural des signes symboliques puisés dans les arts traditionnels ou tatouages et ont donné une valeur spécifique originale à leur œuvre.
Une autre tendance d’une fraîcheur et simplicité étonnantes illustre la peinture dite naive avec Baya, Benaboura, Zmirli, Samson…
Les dernières décennies se caractérisent par une relance importante de l’activité artistique avec une nouvelle génération d’artistes qui viendra enrichir le langage pictural avec de nouveaux matériaux élaborant un art imprégné des technologies modernes (Amar Bouras, Sid-Ahmed Chabane, Meriem Ait El Hara).
L’Algérie, de par sa tradition de terre d’accueil et de carrefour de multiples civilisations qui l’ont traversée, a hérité d’un riche patrimoine musical. Cette musique qui s’exerce sur des registres aussi divers que variés, est l’expression d’une identité culturelle forgée à travers les siècles de son histoire.
La musique classique algérienne dite andalouse a été apportée par les milliers de réfugiés andalous fuyant l’Espagne et les persécutions chrétiennes du XIème au XVIème siècle. Cette musique trouvera refuge dans les villes côtières où elle sera développée et pratiquée dans les grands centres urbains… Elle témoigne d’une grande recherche technique et se définit par trois styles :
Ecole d’Alger ou Sanaa
Ecole de Constantine ou Malouf
Les maîtres de cet art sont les Cheikhs : El Hadj M’hamed Tahar Fergani, El Hadj Mohamed El Ghaffour, El Hadj Sid Ahmed Serri et le regretté Cheikh Abdelhamid Fakhardji…
Cette musique articulée sur 12 noubate (suites) a pour principaux instruments le luth, le Kanoun (Cithare) et le Nay (flûte de roseau). Le rythme est assuré par des tambourins et « tar » (tambour circulaire avec de petites cymbales). Une orchestration plus moderne constituée de violon alto, de la mandoline et du piano est venue enrichir cette instrumentation originelle.
L’influence de la musique classique algérienne sur la pratique musicale citadine, est telle que plusieurs genres et rythmes en sont dérivés. Plusieurs orchestres et troupes de musique classique andalouse ont été créés et se produisent régulièrement dans l’animation des soirées et fêtes, en même temps qu’elles perpétuent l’enseignement de ce répertoire aux générations nouvelles.
Certaines troupes musicales prestigieuses ont atteint une notoriété qui dépasse les frontières de l’Algérie : El Mossilia, El Fakhardjia, Nassim-El-Andalouss…
Les plus célèbres interprètes de cet art sont actuellement : Nouri El Kouffi, Nasserdine Chaouli, Bahidja Rahal…
Ce genre dérivé de la musique classique andalouse est né dans la Casbah d’Alger au cours des années 1920 et se caractérise par des rythmes spécifiques et des « Kacidate » en arabe dialectal qui sont de véritables poèmes du terroir.
Le maître incontesté de ce genre à part entière, très apprécié du public, est incontestablement El Hadj M’Hamed El Anka… Dans cette lignée, d’autres interprètes donneront également à la musique chaâbie ses lettres de noblesse : Hadj M’rizek, Boudjemaâ El Ankiss, Guerrouabi, Dahmane El Harrachi…
Le genre chaâbi chante les légendes, la résistance, l’exil, les événements marquants la vie sociale…
De nombreux orchestres chaâbi se produisent régulièrement dans les diverses manifestations culturelles et animent les soirées familiales.
Une nouvelle génération d’artistes a tenté, ces dernières années, de donner un nouveau souffle à cette musique : Kamel Messaoudi, Mourad Djaâfri… D‘autres à l’instar de Reda Doumaz tentent l’aventure d’introduire des rythmes occidentaux modernes au chaâbi…
La Musique folklorique
Elle est aussi variée que le permettent la pluralité des styles et des genres pratiqués à travers les régions d’Algérie.
Caractérisée par la pratique de la poésie chantée, art des pasteurs nomades, qui repose sur la longue kacida (poème) à rime unique, au son monocorde de la flûte de roseau, et s’articulant sur des thèmes religieux, épique, amoureux. De nombreux interprètes ont chanté cet art : Khelifi Ahmed, Rahab Tahar, Abdelhamid Ababsa avec son inoubliable chef d’œuvre Hizia…
Cet art spécifique à la région de la Kabylie comporte des rythmes musicaux originaux et variés :
La musique kabyle sert de support à un riche répertoire de contes et poésies anciens, transmis à la faveur d’une tradition orale millénaire, de génération en génération. Notons qu’elle se caractérise par la grande variété des sujets traités : l’exil, l’attachement à la terre, l’amour, la révolution… cette musique a pris un essor particulier pour être chantée à travers le monde et ceci à la faveur de ses plus dignes représentants : Slimane Azem, Kamel Hamadi, Cherif Kheddam, Ait Menguellat, Idir, Massa Bouchafa…
Est un mélange de musique bédouine, avec plus d’instruments et un rythme soutenu et dansant. Aissa El Djermouni est l’illustre pionnier de ce genre, qui continue à se perpétuer avec une nouvelle génération de chanteurs : Katchou, Houria Aichi…
Le RAI : genre musical du sud oranais s’affirme comme une approche de réappropriation du patrimoine culturel musical ancestral, initiée à l’origine par Cheikh Hamada et Cheikha Remiti.
Le vieux rai nourri d’instruments traditionnels, notamment le son de la flûte de roseau, exalte les vertus religieuses des saints du terroir. Il évolue durant les années 1970 et s’enrichit progressivement d’une instrumentation moderne électrique composée du synthétiseur et de la boite à rythmes, et d’influences occidentales rock, reggae et funk… Cet essor est le fait d’une nouvelle génération de jeunes chanteurs (Chebs) de rai apparue durant les années 1980 et dont les figures emblématiques sont : Khaled, Mami, Zahouania et le groupe Raina Rai.
Le rai exprime alors les nouvelles aspirations d’une jeunesse en quête de liberté et de justice. Le rai dépasse les frontières de l’Algérie pour devenir un phénomène international. De nouveaux groupes se forment mettant en œuvre une orchestration moderne et originale.
Il existe en Algérie une multitude de groupes de Rapp. Alger en compte déjà plus de 200. Parmi les groupes fondateurs de ce genre musical, il faut citer : Hamma Boys, Intik et MBS.
La grande spécificité du Rapp algérien, né durant les années 1990, est de mêler au Rapp classique les sonorités du rai et les instruments traditionnels du chaâbi,
Cette musique, essentiellement contestataire et critique, dénonce le chômage, la délinquance, la drogue et les inégalités sociales.